Netflix est-il au courant que Martin Bouygues est un communiste patenté ?
La dernière campagne de publicité Bouygues Telecom qui vante un partenariat avec Netflix, a comme musique Bella Ciao. Le site de la Réclame nous précise qu’il s’agit de la bande originale de la série « Casa de papel », série signée Netflix. Certes. Mais à ce rythme-là, on écrira dans les livres d’histoire ou pire, dans wikipedia, que la sarabande en Ré de haendel a été composée par Levi’s. Mais revenons à Bella Ciao et Bouygues Telecom. La chanson qui habille le spot est, comme certains l’auront deviné, antérieure à « Casa de papel » et à Netflix de quelques décennies. Elle est très connue chez nos amis transalpins. En effet, c’est un hymne politique. Vu que Bouygues a pris une version avec les paroles, on peut le vérifier facilement en tendant l’oreille ou en lisant les paroles accessibles en deux clics sur Google. « Una mattina mi sono svegliato, O bella ciao, O bella ciao, O Bella ciao, ciao, ciao. Una mattina mi sono svegliato. E ho trovato l’invasor. O partigiano, portami via O bella ciao, O bella ciao O Bella ciao ciao ciao O partigiano portami via Che mi sento di morir E se io muoio, da partigiano O bella ciao, O bella ciao O Bella ciao ciao ciao E se io muoio da partigiano…Tu mi devi seppellir.» Tout le monde ne parle pas la langue de Dante, me direz-vous, mais ne pas être bilingue n’autorise pas à être collectivement inculte, sourd et aveugle. Il n’y a donc personne chez Bouygues, à l’agence de pub qui ait lu ou écouté ou lu ce qui est dit ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire de prime abord, la chanson ne parle pas de dolce vita, ou d’amour. Il n’est pas question ici d’une «bella» qui se ferait larguer par son belâtre toscan ou romain qui lui dirait « ciao, ciao » en s’éloigant sur son scooter, un Spritz à la main. Non. Si on écoute attentivement, il y a un mot qui revient plusieurs fois : Partigiano. Partigiano, à ne pas confondre avec Parmigiano que les français connaissent mieux et dont les publicitaires raffolent à l’heure du déjeuner dans leur salade italienne. En italien, partigiano, cela veut dire partisan. Même le traducteur de Google est formel. Et Bella Ciao est un chant partisan, un chant de résistance à l’Italie fasciste et à l’invasion allemande. Bref c’est un chant communiste à une époque où cela pouvait vous coûter la vie de vous définir comme tel. Le chant a été rendu célèbre ces dernières années dans le nord de l’Italie par un prêtre ouvrier, ouvertement coco, en guerre ouverte contre le Vatican, qui finissait toutes ces messes par ce chant à la gloire des masses laborieuses de l’Italie d’avant et après-guerre. Le fameux Don Gallo. C’est un chant triste, prenant. Un chant qui parle de vie et de mort. De sacrifice. Un texte pour le moins engagé.
Certes, la publicité a le droit de se réapproprier les choses et de les travestir, de les gadgétiser pour animer le grand bazar de son commerce. Elle peut, si elle paie, utiliser des chants populaires qui ont marqué les combats passés d’une Europe réduite à néant par le fascisme et le nazisme, pour nous vanter une BBox ou un accès illimité à Netflix. Pour faire gagner de l’argent à Martin Bouygues. Certes, on peut tout recycler, tout oublier, tout utiliser, tout transgresser. Réécrire l’histoire. On peut faire croire que c’est la BO d’une série Netflix. On peut tout réinterpréter, tout gommer, afficher son ignorance comme bon nous semble avec aplomb et arrogance, sous couvert de créativité, de décalage et au nom d’une consommation décomplexée. On peut sans doute également profiter de droits éditoriaux tombés dans le domaine public et de droits phonographiques cédés par Netflix. Bref d’un truc qui coûte pas un rond. Et qui va aller vérifier les paroles ? Qui va écouter ce que ces mots nous disent ? Qui connaît l’histoire de Bella Ciao. Chez BT comme chez TF1 (tiens tiens) on sait depuis belle lurette que la part de cerveau des décérébrés qu’on s’arrache entre annonceurs, laisse peu de place à la culture, à la connaissance. Alors, on peut tout faire, sans foi, ni loi, sans vergogne, senza vergogna comme disent les italiens, dans ce grand bordel où le sens est méprisé, où tout est nivelé par le bas, comme dans les plus belles dictatures, si on veut poursuivre le parallèle politique. Ces annonceurs, ces agences qui bafouent le sens et l’histoire, oublient une chose. Aujourd’hui les générations actuelles les interpellent, des mouvements se créent, émergent et pas seulement pour sauver la planète mais pour redonner du sens aux actes et à nos vies. Alors deux choses l’une, soit Martin Bouygues et ceux qui le servent sont les êtres les plus cyniques du monde, soit ils sont tous devenus communistes. J’ai comme une idée sur la bonne réponse.
je t’aime où un truc dans le genre.
merci